28.02.2011
Frey - Chris Wooding
Once upon a time, Chiffonnette occupait agréablement son temps autour d'un cocktail d'une tasse de thé avec quelques compagnes de broderie, tapisserie, cancanage , bref, avec quelques compagnes, quand au cours d'un échange jusque là serein portant dans le désordre sur Star Wars, Starship Troopers, le pantalon de Han Solo et un certain Doctor (voire des piranhas avec des dents vraiment très pointues) survint un affreux, encore que glamourous, hurlement: "KWAAAAAAAA! Tu n'as jamais vu Firefly????????" (oui, avec autant de points d'exclamation, je vous le jure, je les ai entendus). Non, Chiffonnette n'avait jamais vu Firefly. Et s'en sentit subitement fort marrie. Surtout quand elle eut entendu le descriptif suivant: western de l'espace, Mal, explosions (si, quand même un peu), contrebande et arnaque, vaisseau spatial, Joss Whedon. Je vous livre là une version incomplète et sans le ton.
Or donc, Chiffonnette repartit avec sous le bras, Firefly et Serenity (pour toute explication, voir là) et l'ordre catégorique de regarder le tout fissa. Ce qui fut fait avec d'autant plus de diligence qu'il s'agit effectivement d'une série absolument fabuleuse, inventive, débordante de qualités, de personnages géniaux, de rebondissements et d'action. Ce qui me permet au passage de maudire la Fox sur cent-soixante-quatre générations pour avoir flingué la dite série.
Si vous n'avez pas encore abandonné, sachez que nous allons maintenant entrer dans le vif du sujet. Enfin presque. J'aime donc Firelfy, Mal, les vaisseaux spatiaux, la baston et les explosions. Aussi, quand on me met sous le nez un roman dont la quatrième de couverture rappelle assez furieusement Firefly, Mal et promet de surcroît de la baston, des vaisseaux spatiaux et on peut le supposer, des explosions, je couine. Et je trépigne. Élégamment, cela tombe sous le sens.
Encore là? Bien. Frey donc.
Soit, la couverture fait hausser un sourcil. Soit, certaines tournures de phrase m'ont fait grincer des dents. Mais alors quel bonheur à lire! C'est un roman bourré d'action qui reprend effectivement un peu de l'ambiance de Firefly, rend ainsi un bel hommage à cette série tout en s'en démarquant tant avec ses personnages hauts en couleur qu'avec un univers qui emprunte aux histoires de pirates avec leurs repaires secrets, leurs cartes mystérieuses et leur code d'honneur, et y mélange au passage un brin de créatures mystérieuses et de magie. On ne s'ennuie pas une minute à suivre les aventures de cet épuipage de bras cassés mené par un capitaine pas bien flamboyant, à les voir révéler dans l'adversité leurs qualités, leurs failles et finir par former une espèce famille totalement dysfonctionnelle où même le chat a de sérieux problèmes psychologiques. Il faut dire qu'entre un capitaine qui aime l'arnaque, un médecin qui tête de la bouteille, un démoniste qui cajole son golem, une navigatrice qui a un peu de mal à respirer un froussard et un crétin, un grand baraqué taciturne, sans oublier un vaisseau un peu cabossé il y a de quoi faire. Le tout est souvent hilarant, prenant à défaut d'être franchement inventif, et en tout cas vraiment plaisant à lire. C'est malin, j'ai envie de revoir Firelfy maintenant!
ps: oui Fashion, je vais te rendre Mal, promis juré. Et même, pour me faire pardonner je vais te prêter Frey. Son manteau est presque aussi chouette que celui de Mal.
Simatural en parle beaucoup mieux que moi, l'avis de Blackwolf.
Wooding, Chris, Frey, Bragelonne, 2011, 424p., 4/5
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26.02.2011
Danbé - Aya Cissoko & Marie Desplechin
Aya grandit heureuse jusqu'au drame qui déchire sa famille.L'incendie criminel, la mort de son père, de sa petite soeur sont le point de départ d'une série d'épreuves et de deuils qu'affrontent ceux qui restent. Avec pour faire face, le danbé, la dignité en malinké, règle de vie et de conduite de Massiré, la mère d'Aya, qui inculque à ces enfants cette discipline. Affronter les épreuves, les surmonter, c'est ce que fera Aya, encore et encore.
Je l'avoue d'entrée de jeu, en général les témoignages ne sont pas ma tasse de thé. Vous comprendrez donc que j'ai retenu une grimace en voyant arriver dans ma boîte au lettre ce petit ouvrage, fruit d'un collaboration entre Aya Cissoko et Marie Desplechin. Mais si je ne connaissais alors pas Aya Cissoko, il y avait au moins Marie Desplechin dont j'apprécie en général beaucoup la plume... Au moins une bonne raison d'attaquer le livre qui était entre mes mains, ce que j'ai fait sans trop de réticence à défaut d'enthousiasme. Or donc, le destin est farceur comme diraient certains puisque c'est au final un coup de coeur, et pas un petit. A côté duquel je serais passée.
Danbé est un récit intelligent, plein de vie, porté par la plume de Marie Desplechin, qui n'occulte rien du plus dur, mais transmet la voix d'Aya Cissoko, une voix toujours digne et humble et qui jamais ne se pose en exemple, malgré un parcours qui force le respect et l'admiration non pas parce qu'il est celui d'une jeune femme « d'origine immigrée » comme on dit si bien de nos jours, mais parce que c'est celui de quelqu'un passé par des drames et des épreuves qui en auraient laissé plus d'un sur le carreau.
Alors oui, c'est effectivement le témoignage de la vie d'un enfants « français d'origine ». Aya Cissoko raconte les immeubles surpeuplés, vétustes, la violence, le racisme. L'ordinaire, révoltant, qui précise l'origine des « presque » français, et celui qui tue par sa bêtise. Elle raconte aussi la solidarité, l'amitié, les moments de bonheur, les rencontres qui changent une vie. Le poids des communautés, des traditions qui perdurent. Danbé, c'est une petite porte qui s'ouvre vers le Mali et ceux qui venus de là-bas, vivent en France. C'est une porte qui s'ouvre aussi vers le Paris populaire, métissé. C'est surtout, entre anecdotes et vie quotidienne, l'occasion de réflexions sur l'immigration à travers l'histoire des parents d'Aya, sur ce que signifie être un « français d'origine », sur la manière dont se forge une culture métissée, entre celle des ancêtres et celle de lieu où l'on vit. Comme celle que se crée Massiré, sa mère, qui se révolte contre la tradition tout en élèvant ses enfants de le danbé et reconquiert doucement sa place dans le groupe. Une mère dure, mais qui donne à sa fille la liberté nécessaire pour tracer son propre chemin. Ne serait-ce qu'en lui permettant de boxer malgré les reproches des voisins et de la famille. Sans édulcorer ses relations parfois difficiles avec elle, Aya Cissoko trace de sa mère un portrait à la fois terrifiant et superbe. L'histoire d'Aya Cissoko est forte, d'autant plus forte qu'elle n'édulcore rien de ses échecs, de ses luttes contre les autres et contre elle-même, et rien de ses victoires, dont les moindre ne sont pas de se relever toujours, d'affronter les difficultés, les drames, le regard des autres et les préjugés.
On n'oublie jamais, au fil des pages, que la voix qui se fait entendre est celle d'une jeune femme bien vivante, qui continue à tracer sa route. Danbé est bien un témoignage, mais un grand et beau témoignage, d'une admirable tenue littéraire. C'est un récit fort, honnête, touchant, dense et complexe sous son apparente simplicité qui mérite bien son titre.
Cissoko, Aya, Desplechin, Marie, Danbé, Calmann-Levy, 2011, 182p., 5/5
07:00 Publié dans Littératures françaises | Lien permanent | Commentaires (5) | Envoyer cette note
25.02.2011
La citation du jeudi: du vendredi et autres histoires
J'ai comme qui dirait confondu le jeudi et le vendredi... Hem... Bref. Mais mieux vaut tard que jamais...
D'autant que j'avais concoté une jolie petite citation issue d'un coup de coeur dont je vous parlerai très bientôt!
"Quand je gagne des compétitions, je suis généralement présentée comme "Française d'origine malienne". Je défends les couleurs bleu-blanc-rouge, je suis fière de boxer pour mon pays et toujours émue d'entendre La Marseillaise, mais ça ne suffit pas. Il reste encore à préciser mon origine. Les autres n'ont pas droit à tant dégards. Est-ce qu'on dit "Française d'origine française"? A la fin, c'est comme une gifle. J'ai l'impression qu'on me refuse l'appartenance de plein droit au pays qui est le mien. Française peut-être, mais Française d'origine. Ce qui devrait sonner comme une addition tombe comme une soustraction."
Présentation de l'éditeur: "
« J’aimerais que celle ou celui qui lira ce petit livre mesure ce qu’il a de déchirant. Il est mon au revoir à ceux que je laisse sur le quai. (…) Il est mon au revoir à mon enfance de petite fille noire en collants verts, qui dévale en criant les jardins de Ménilmontant. »
Quand Marie Desplechin rencontre Aya Cissoko, elle est touchée par la singularité de son histoire. Née de parents maliens, Aya a connu une petite enfance habitée de souvenirs délicieux, qui prend fin avec la disparition de son père et de sa petite sœur dans un incendie. Élevée par sa mère dans le respect du danbé, la dignité en malinké, Aya apprend à surmonter les épreuves et trouve dans la boxe un refuge.
16:31 Publié dans Le jeudi c'est citation | Lien permanent | Commentaires (7) | Envoyer cette note
20.02.2011
The secret adversary remains hidden...
Vous ai-je déjà parlé du Doctor? Mhhhhhh? Doctor Who? The Doctor, le seul, l'unique. Oui, celui-ci. J'en vois déjà qui soupirent au fond. Tsssssss. Vous pouvez soupirer, ce n'est pas de lui dont il va être question mais de la grande, de la fabuleuse Agatha Christie. Une autre de mes grandes passions d'ailleurs cette bonne vieille Agatha. J'ai du lire à peu près tous ses romans pendant mes années d'adolescence. Et j'en ai tellement relu certains que mes intégrales ont une légère tendance à tomber en ruine.
Bref.
Où en étais-je.
Ah! Oui!
Imaginez donc mon état quand je suis tombée au cours de la couinante saison 4 de ma série préférée de tous les temps sur Dame Agatha elle-même. Dans un épisode absolument, mais alors absolument trépignantissime. Dont je suis ressortie (et je n'étais pas la seule) avec l'envie de relire les nombreux romans qui sont cités, ou auxquels il est fait allusion dans l'épisode, envie, il faut bien le dire d'autant plus pressante qu'il y a parmi eux mes préférés parmi les préférés et que la perspective de lectures communes avec les copines n'est pas sans... saveur.
Sans plus attendre, voici donc The secret adversary!
Le second des romans écrits par Agatha Christie, qui reprit la plume pour tenter de trouver quelques revenus pouvant contribuer à aider sa mère quasi ruinée. Une conversation surprise dont une certaine Jane Fish était le sujet, les nombreux jeunes gens démobilisés autour d'elle et ce fut la naissance d'un couple qui vivra bien d'autres aventures sous sa plume: Tommy Beresford et Prudence Tuppence Cowley.
J'ai une tendresse particulière pour ces deux héros: Tommy et ses cheveux roux, son flegme, Tuppence et son énergie, sa tendance à foncer tête baissée dans les ennuis... Ils sont aussi touchant l'un que l'autre, surtout dans cet épisode où ils se tournent autour aussi incapables l'un que l'autre de s'avouer leur mutuelle passion. Mr Brown n'est pas un roman policier au sens strict, plutôt un roman d'espionnage, mêlant tractations secrètes entre gouvernements, naufrage, enlévements, complots, séquestrations et autres rebondissements qui s'enchaînent sans temps mort ou presque, le tout relevé par des personnages délicieux. Tommy et Tuppence bien entendu, mais aussi Julius Herscheimer américain jusqu'au bout des ongles, Annette, la glaciale Rita, sir James... Et déjà, Agatha Christie parvient à la perfection à faire tourner son lecteur en bourrique: le coupable était là, et bien là, presque depuis le début. Sous le nez des héros et des lecteurs. Évidemment, quand on le sait... C'est tellement évident! The secret adversary, Mr Brown dans ma traduction est en plus un roman aux accents modernes, avec ses héroïnes qui n'ont pas froid aux yeux, ne manquent pas d'humour, se lancent dans le mariage comme dans une grande aventure et sont même, même, capables de faire un effort dans les grandes occasions en faisant preuve de leur bonne éducation. Tuppence à cet égard est absolument adorable en fille de pasteur sortie du droit chemin. Et que dire de ces jeunes gens qui laissent toute la place qui leur revient à leurs compagnes! Je me demande dans quelle mesure Agatha Christie dévoile dans ce roman le désir d'aventure qu'elle comblera plus tard, en tout cas, il semble qu'elle y ait projété un peu le couple qu'elle formait alors avec Archie, son époux. On trouve là tout ce qui plus tard fera son succès et rendra ses romans inoubliables: ce ton tellement british, le style, l'art de l'intrigue. S'il est resté parmi ceux que je chéris, c'est sans doute parce qu'il a fait parti des premiers Christie que j'ai lu après le traditionnel Les dix petits nègres, mais aussi parce que c'est un roman réellement attachant, léger mais prenant et surtout, drôle. Du grand art Mme Christie!
Avec Fashion, Mo, Karine, Isil, Yue Yin, Pimpi...
Christie, Agatha, Mr Brown, dans Agatha Christie t.1, Les années 1920-1925, Le Masque, 1990
Et au fait!
07:00 Publié dans Polars | Lien permanent | Commentaires (7) | Envoyer cette note
19.02.2011
Ô Monte-Christo
Depuis un bon bout de temps Stéphanie et moi-même dissertions sur Alexandre Dumas, papotions Athos, récits de voyage et challenge... Et quand je dis un bon bout de temps, c'est un bon bout de temps, un bout de temps comme... Ah oui, tant que ça! Bref, à force d'en papoter, nous ne faisions qu'en papoter jusqu'à ce qu'une visite ma foi charmante du non moins charmant château de Monte-Christo ne nous décide à passer à l'acte.
Vous voilà donc devant le Monte-Christo Challenge.
Oui, encore un challenge. D'ailleurs, sachez qu'Ankya a lancé un challenge Dumas sans limitation en quantité et en temps et que vous êtes invités à aller lui faire un coucou et plus si affinités (par exemple vous inscrire à son challenge, mais c'est un exemple, ceci dit, vous noterez que ça fait coup double et qu'en plus si vous ne connaissez pas la caverne d'Ankya, et bien c'est l'occasion de la découvrir, ça fait quand même beaucoup de bonnes raisons).
Je bavarde, je bavarde. Passons au règles du challenge. Oui, règles il y a, ça nous arrive!
Vous avez donc six mois à compter de la publication de nos billets pour:
- lire un roman et un récit de Dumas père (à vous le choix des armes: théâtre, récits de voyage, dictionnaire de cuisine,...);
- visionner une adaptation cinématographique d'une des oeuvres de Dumas;
Jusque là, rien que de très classique.
Seront récompensés (c'est comme aux oscars limite):
- la plus belle déclaration d'amour à un personnage de Dumas (nous vous laissons choisir, ne sommes-nous pas adorables);
- le plus grand nombre de billets;
A quoi s'ajoutera un tirage au sort parmi les participants.
Et à gagner? Surprise!
Inscriptions dans les commentaires de ce billet, liens vers les billets à y indiquer le cas échéant. Avec la même chose chez ma partner in crime, Stéphanie!
Et un joli logo à intégrer dans les billets! Ne seront pris en compte que les billets le comportant!
07:00 Publié dans Contemplation | Lien permanent | Commentaires (5) | Envoyer cette note
17.02.2011
La citation du jeudi: Rien ne va plus
" Bon. Je peux tout recommencer. La Fayette n'existe pas. C'est l'auteur. C'est malin de mettre l'auteur en gros sur la couverture. Tout le monde croit que c'est le titre. Franchement, entre la princesse de Clèves et Madame de La Fayette, difficile de savoir qui fait quoi. J'aurais du me renseigner avant. Il y a des milliers de sites. Mine de rien, avec son vieux titre, le bouquin a l'air d'être assez connu. Ce prof de français ne s'est pas fichu de nous. Quitte à lire un livre, les gens aiment autant que ce soit un livre célébre. Au moins ils ont l'impression de participer. A quoi on ne sait pas. Mais enfin, c'est toujours agréable de participer. Maintenant que j'ai les sites avec résumé complet, je vais pouvoir me dispenser du mot à mot. Les phrases sont trop longues, arrivée au bout, j'ai oublié le début. A la fin je confonds tout. J'ai même du mal à faire la différence entre les hommes et les femmes. Ils s'appellent tous pareil. Personne n'a de prénom là-dedans. Sans compter que je ne peux pas croire qu'une fille de seize ans qui se marie avec un vieux type désolant multiplie les chichis pour ne pas dire qu'elle l'aime à un type de son âge, beau, riche, blindé de relations, et qui l'adore par-dessus le marché. C'est de la science-fiction. Et devinez ce qu'elle trouve, cette gourde, pour se simplifier l'existence? Elle demande conseil à sa mère. Là, ça devient carrément rocambolesque. Sa mère... On nage en pleine fantaisie. Qu'on ne compte pas sur moi pour lire le truc en entier."
Présentation de l'éditeur: "11 octobre : Areski a trouvé un nom pour le groupe. Blanche-Neige et les sept nains. Ce n'est pas que ça m'ennuie de faire Blanche-Neige, mais les garçons ne sont que cinq. Donc, inutile d'y penser plus longtemps, voilà ce que j'ai dit. Mais justement, a répondu Areski, c'est comme pour les trois mousquetaires. Un clin d'oeil. Un clin d'oeil ? - Je ne vois même pas de quoi tu parles. - Des trois mousquetaires. -Et alors ? - Ils étaient quatre. - Comment tu le sais ? - Tu n'as pas lu le livre ? - Quel livre ? - Les Trois Mousquetaires, bien sûr. - C'est le titre ? - Ben oui, c'est le titre. Qu'est-ce que tu veux que ce soit ? - Je ne sais pas, moi... Les auteurs ? J'en ai plein le dos, de tous ces bouquins que je ne connais pas. Areski était mort de rire. Il a raconté l'histoire aux autres nains au fur et à mesure qu'ils arrivaient de la mine. Et tous les nains de se gausser joyeusement."
La liste des participants est là!
08:41 Publié dans Le jeudi c'est citation | Lien permanent | Commentaires (15) | Envoyer cette note
15.02.2011
Le cycle du Latium - Thomas Burnett Swann
Au sein de la forêt, Mellone la dryade mène une vie paisible, entre son arbre et ses abeilles, son peuple et les être magiques qui l'entourent. Mais voilà qu'Enée arrive sur les côtes de son monde, investi, croit-il, du devoir de créer une nouvelle Troie, la forêt s'agite. Quant un homme tue son ami, Mellone jure vengeance, même si elle s'interroge sur Enée et ceux qui l'accompagnent: monstres assoiffés de sang? Ou bien autre chose? La curiosité va être plus forte que tout...
Ce cycle, je l'ai repéré dans Les nombreuses vies de Harry Potter, opus de la bibliothèque rouge des Moutons électriques ô combien fourmillant de références toutes plus alléchantes les unes que les autres. Vous imaginez donc bien que le jour où j'ai mis la main sur les trois tomes chez ce bon vieux G., je suis repartie en les serrant sur mon coeur et fermement décidée à partir à la découverte de ce classique de la littérature anglo-saxonne. Ce qui fut fait pour le plus grand bénéfice de ma tranquillité d'esprit.
Le cycle du Latium, c'est la réécriture de la fondation de Rome, avec un parti pris nettement affirmé dès les premières pages, celui de plonger son lecteur dans un univers de magie où dryades et centaures, sirènes, satyres et autres créatures prennent vie. Du coup, le récit de la fondation de Rome est aussi, et surtout, celui de la vie de Mellone, de ses relations et de son amour pour Enée, de son histoire avec Remus et Romulus, et celui de la mort du vieux monde, la fondation de Rome incarnant au final la victoire des hommes, paradoxalement aidée par ceux-là même qui sont appelés à disparaître.
C'est avec une belle plume, aux accents poétiques parfois un peu maniérée que Thomas Burnett Swann dépeint un monde bucolique, presque idyllique, avant d'instiller petit à petit le malaise, de montrer la face sombre, violente des peuples magiques qui n'ont rien à envier sous cet aspect aux humains. Les trois tomes sont un étrange mélange d''amours, deuils, trahisons, complots politiques batailles sanglantes, jalousies, adultères, meurtres entrecoupés de moments de bonheur contemplatif. Le matériau originel n'est pas avare en drames dont le moindre n'est pas le meurtre fondateur de Remus par Romulus, à quoi les choix narratifs de Burnett Swann qui mettent dans le même temps en avant une autre manière de voir et vivre la nature et une réflexion sur l'ouverture à autrui et l'histoire assez riche. Dommage que le texte soit parcouru d'incohérences sans doute accentuées par la réédition dans l'ordre chronologique des textes qui n'est pas celui du récit (choix expliqué par l'éditeur). Il faut dire que le cycle du Latium est inachevé et à mon sens, inégal. Rien de bien grave tant certains passages sont absolument merveilleux, comme le séjour d'Enée chez Didon et la découverte du peuple des éléphants, mais de quoi rendre la lecture parfois un peu malaisée. Reste une très belle découverte.
Burnett Swann, Thomas, Le cycle du Latium, t.1 Le phenix vert, t.2 Le peuple de la mer, t.3 La dame des abeilles, Point fantasy, 2007, 3/5
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14.02.2011
Lavinia - Ursula K. Le Guin
« Une fille lui restait, seule héritière de sa maison et de ses vastes domaines, déjà mûre pour le mariage, bien en âge de prendre un époux. Plusieurs princes du Latium et de l'Ausonie toute entière briguait son alliance. »
Mais Lavinia, elle, suivra les présages qui disent qu'elle sera l'épouse d'un étranger venu d'au-delà les mers et avec qui elle posera les fondations d'un empire. Au prix de la guerre et du deuil, car Enée remonte le Tibre pour accomplir son destin et vivre le peu de temps qui lui reste à vivre,
Lavinia parle, ou prend la plume. En tout cas, elle livre sa parole, elle, personnage de papier, si mince que son destin tient en quelques lignes, écrasée par la gloire et la tragédie de son époux, par Troie, Hélène et les flammes qui ont tout ravagé. Lavinia si pâle au regard de la geste des héros, dont le poète se rend compte trop tard quelle magnifique héroïne elle est. Aurait pu être. Car on ne sait guère au fil des pages où se séparent réalité et fiction, si Lavinia vit et respire entre deux lignes d'une histoire qui ne fait que l'effleurer, si elle est et se perd dans les phrases de de fantôme qui se confond et qui est, peut-être le poète qui lui a si mal donné vie. Tout en finesse, Ursula K. Le Guin introduit à une réflexion qui se poursuivra tout au long du roman sur la fiction, ses liens avec le réel, et sa puissance.
« A ce que j'en sais, c'est mon poète qui m'a rendue réelle. Avant qu'il n'écrive, j'étais une silhouette perdue dans la brume, guère plus qu'un nom dans une généalogie. C'est lui qui m'a donné la vie, qui m'a donné une identité et donc la capacité de me souvenir de ma vie, de mon identité; et mes souvenirs sont très nets, liés à de riches émotions qui s'imposent à moi alors que j'écris, peut-être parce que les événements dont je me souviens n'accèdent à l'existence que losque je les écris, ou lorsqu'il les écrit. »
C'est une sorte de magie, magie des histoires ou magie de ce monde où les dieux et les oracles parlent, où Lavinia écoute cette ombre, le poète, qui lui raconte Enée, Troie, Didon, et quelques bribes du futur, qui regrette de ne pas l'avoir vue avant de la rencontrer au seuil de sa propre mort. On est pris de vertige par moment, à ne plus savoir s'il noue le destin de Lavinia en lui révélant des bribes de son avenir ou s'il joue le jeu d'une histoire déjà écrite et à tenter de deviner ce que sont ces événements qu'il n'a pas eu le temps décrire et qui adviennent dans les interstices de son poème. Magie en tout cas de la plume d'Ursula Le Guin (mention spéciale à la magnifique traduction de Marie Surgers) qui déroule sous les yeux de son lecteur le Latium et ses coutumes, ses guerres, sa religion, ses hommes et ses femmes qu'on sent presque respirer, entremêlant dans ce décor d'une immense richesse et d'une grande justesse, le récit de Virgile et le sien. On sent tout l'amour qu'elle a pour le poète, sa connaissance de l'Antiquité et l''envie qu'elle a de partager tout cela.
Lavinia est un texte dense, qu'on ne quitte qu'à regret tant on s'est attaché aux personnages, tant il est prenant, tant il y a à y puiser. De manière assez surprenante quant on se souvient des récits de Virgile, Homère, de la mythologie, ou même du cycle du Latium de Thomas Burnett Swann (billet à venir), le sur-naturel n'est présent que par petites touches: pas de dieux et de demi-dieux, de forces surhumaines, d'éclairs et de nymphes dans la forêt d'Albunea. Mais la piété, les rituels, les oracles auxquels tous se soumettent, les mystères, des croyances et une pratique dont on découvre les subtilités entre révérence à la terre, au foyer, aux ancêtres et acceptation du destin dans laquelle parfois se cache la liberté. C'est le cas pour Lavinia, magnifique personnage féminin, complexe, sensible, forte, qui choisit d'accepter l'oracle du poète et se révolte ainsi contre la volonté de sa mère Amata, de son peuple, et des princes. Ce n'est pas la moindre des contradictions que de se révolter pour se soumettre à un destin et à un homme, et cela malgré le prix que l'on sait lourd de sang et de culpabilité. A travers elle, Ursula k. Le Guin dépasse l'image qu'on a souvent du statut des femmes dans l'antiquité comme étant à peine plus que des esclaves, passant d'une tutelle à une autre. Des femmes grecques, on ne saura rien de plus que ce que les rodomontades d'Ascanius laissent apparaître et que ce qu'on voit de la première épouse d'Enée et des troyennes semble démentir. Des étrusques et latines, on voit des femmes composant chacune à leur manière avec les règles sociales, la maternité, les époux que le sort ou leur famille leur ont donné, l'esclavage pour certaines. Sans dissimuler la dureté de la condition féminine, elle dit la possibilité de l'amour paternel, de l'amour entre deux époux, la possibilité d'intervenir en politique, dans la guerre même, de gagner ou de perdre des combats. A travers Lavinia, Ursula K. Le Guin dit la possibilité et la difficulté d'un entre-deux qui soit, entre la soumission et le rejet, une cohabitation harmonieuse, mais aussi la complexité des relations sociales.
Tous les personnages, masculins comme féminins sont à l'image de Lavinia, aussi complexes, déchirés entre leur devoir et leurs désirs, parfois perdus, parfois affaiblis, à l'image du roi Latinus débordé par son épouse et une guerre qu'il ne parvient pas à éviter, d'Enée qui porte la culpabilité de ses déchaînements guerriers ou de son fils Ascanius incapable d'assumer l'héritage de son père.
C'est un texte tout simplement superbe, débordant, dont les accents réalistes permettent une plongée au coeur d'un monde antique finalement assez peu connu. Un gros coup de coeur.
Les avis de Viinz, Nebal, Phooka,...
Le Guin, Ursula K., Lavinia, Ed. de l'Atalante, 2011, 5/5
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11.02.2011
Samba pour la France - Delphine Coulin
"Lorsqu’il avait été enfin seul, et libre, en descendant de l’autocar qui l’avait emmené du sud de l’Espagne au nord de la France, Samba avait regardé autour de lui et c’était la France, c’était Paris, alors il avait marché, marché le long des bâtiments du passé. Ses chaussures étaient minables et trouées, mais le ciel était jaune, les murs brillaient dans la lumière du soleil qui tombait, et il était au centre du monde. Il savait que cela ne durerait peut-être pas, mais il était heureux d’être là, et cela rendait ces minutes encore plus précieuses.
Dix ans plus tard, il était toujours ébloui par la lumière des quais.
Même derrière les barreaux, même les menottes aux poignets, il aimait la France.
C’était un patriote."
Samba pour la France est un vrai beau roman, un de ceux qui n'oublient pas derrière le message, et la rage, d'être littéraires et de raconter une histoire, un de ceux qui débordent d'humanité sans jamais sombrer dans les bons sentiments, un de ceux dont on aimerait avoir des nouvelles des personnages.
Il est vrai, je dois l'avouer, que j'ai particulièrement apprécié de voir aborder ainsi le thème rebattu dans l'actualité des sans-papiers. Ceux qui sont taxés de tous les maux, ceux qui font peur ou pitié. Mais qui sont, et on l'oublie parfois, des êtres humains et pas juste des silhouettes Or, ce que Delphine Coulin raconte, c'est l'histoire d'un être humain, Samba. Et de ceux qui l'entourent, entre petits bonheurs et grands drames, amours, petits boulots et grandes amitiés.
Surtout, on prend de plein fouet à travers la voix de Samba et de celle qu'il va rencontrer à la Cimade, les drames humains, les voyage homériques qui sont le préalable à ce qui s'avérera pour la plupart plus dur encore. On entend l'indécence de la course au malheur où parfois sont enviés ceux qui ont obtenu l'asile pour avoir vécu le pire, massacres, viols, persécution. On entend ceux qui ont subit les guerres, les violences, et par-dessus tout cela un exil et l'arrivée dans un pays qui malgré ce qui est inscrit dans ses textes fondateurs, s'est fermé. La France rassie comme dit Lamouna, l'oncle de Samba. Celle qui se sert de ses lois pour broyer, pour nier l'humanité de celles et ceux qui rêvent à la liberté, à l'égalité et à la fraternité. Celles où le respect est conditionné à la possession d'un bout de papier et où la dignité doit trop souvent être sacrifiée à la nécessité de gagner son pain. Pas forcément pire que ces autres endroits traversés au cours du voyage, mais pas toujours mieux malgré tout.
Et puis il y a l'absurdité de ces lois, la violence physique et morale, la misère, l'horreur des centres de retention qui ne sont pas des prisons puisqu'il y a des balançoires, mais où on se retrouve malgré dix ans d'une vie, dix ans de travail, d'impôts. Une logique ubuesque qui fait passer de l'autre côté, celui des sans-papiers, condamnés à être des ombre perdant parfois jusqu'à leur nom et ceux de leurs pères. Le mal ordinaire qui pousse à oublier l'humanité la plus simple.
A tout ce monde là, Delphine Coulin donne une consistance, de la vie, de la dignité. Avec humour, avec colère. Parce que ce monde-là, elle le connaît, elle en porte témoignage de la plus belle des manières. Et de cela, on peut lui être reconnaissant même si, seul petit regret de ma part, on ne voit presque que le pire des agents publics. Sans doute parce que c'est ce qu'on voit le plus quand on est dans la situation de Samba et des autres.
Un vrai grand beau roman donc. Et un coup de coeur.
"Tout les jours on met en doute la parole de ceux qui disent qu'ils sont là depuis plusieurs années, parfois dix ans, parfois douze, parfois quinze, comme si les mots n'avaient plus aucune importance, ou qu'il fallait s'en méfier. Pourquoi ne nous croit-on pas? Pourquoi nous condamne-t-on à la misère et au mensonge?
Lamouna dit encore:
La France a changé. Ce n'est plus le même pays que quand je suis arrivé. Il y a deux France, et aujourd'hui je crois que c'est la France rassise qui a gagné. J'espère que l'autre France va réussir à reprendre le dessus... Mais je n'ai plus la force d'attendre."
Coulin, Delphine, Samba pour la France, Seuil, 2011, 5/5
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Le prix Landerneau 2011
Avez-vous entendu parler du prix Landerneau? J'ai découvert il y a deux ans une sélection de haute volée et ai eu le plaisir, cette année, de pouvoir me plonger dans le cru 2011 et d'assister à la remise du prix le 9 février dernier en la présence du président du jury, Jean-Christophe Rufin, des libraires des Espaces culturels Leclerc membres du jury et de Michel-Edouard Leclerc lui-même. Avec le bonheur de voir primer un roman que j'ai beaucoup aimé.
Mais revenons sur la sélection: nouveauté de cette quatrième édition, elle s'est faite parmi les 329 romans français de la rentrée de janvier. Et le prix est décerné assez tôt pour que le roman primé puisse être mis en avant tout au long de l'année dans les librairies des Espaces culturels.
Étaient sélectionnés cette année:
La blessure la vraie de François Bégaudeau (Verticales)
Une lointaine Arcadie de Jean-Marie Chevrier (Albin Michel)
Samba pour la France de Delphine Coulin (Le Seuil)
Tu verras de Nicolas Fargues (POL)
Les hommes sirènes de Fabienne Juhel (Le Rouergue)
Un homme ébranlé de Pascale Kramer (Mercure de France)
L'homme de Lyon de François-Guillaume Lorrain (Grasset)
Une langue venue d'ailleurs de Akira Mizubayashi (Gallimard)
Les champs de Paris de Yann Suty (Stock)
Auxquels se sont ajoutés:
Corps mêlés de Marvin Victor (Gallimard)
Le barbaresque de Olivier Weber (Flammarion)
Et alors qui?
Et bien Delphine Coulin pour Samba pour la France!
Je vous laisse découvrir son potentiel livresque chez Cinquième de couverture!
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