31.03.2011
Le guide du routard galactique - Douglas Adams
Ou ce qu'il se passe quand les Monty Python font subitement irruption dans l'univers intergalactique. Mais... PAS DE PANIQUE! Tant que vous avez votre serviette et que vous savez que 42 est la réponse, tout va bien se passer. Ou pas.
Attaquons pas le commencement: inutile de chercher du sens dans Le guide du routard galactique, il n'y en a pas. Du tout. Ce que constate d'ailleurs le malheureux héros de ces péripéties absurdissimes qui voit le même jour sa maison être rasée par des bulldozers pour laisser la place à une déviation d'autoroute, la Terre être rasée pour laisser la place à une voie express intergalactique, son meilleur ami se révéler être natif de Bétélgeuse et astrostoppeur. Sans compter les événements ô combien anodins qui le voient manquer mourir avant de se retrouver recueilli par le président du gouvernement impérial galactique à bord du seul et unique vaisseau propulsé par un générateur d'improbabilité infinie et bénéficiant de la présence réconfortante d'un robot dépressif prénommé Marvin. Le reste implique de la poésie vogone, des constructeurs de planètes et des souris blanches. Absurde donc. Jusqu'au trognon. Et par conséquent, absolument réjouissant, hilarant, drôlatique. Autant dire que j'ai adoré du début à la fin et les personnages, et les rebondissements, et le concept même du Guide du voyageur galactique tout en prévoyant de me pourvoir au cours de mes futures périgrinations d'une serviette que je défendrai corps et âme maintenant que je sais pourquoi c'est l'accessoire essentiel du voyageur.
En aparté, c'est l'édition 1982 traduite par Jean Bonnefoy qui m'a atterri dans les mains, traduction considérée, et j'ai compris pourquoi comme un brin rock'n roll. Une nouvelle édition a paru chez Folio SF. Je vais comparer. Pour la science. Uniquement pour la science.
Bref, si ce n'est pas déjà fait, jetez-vous sur ce monument de nonsense. Moi je m'en fait mettre la main sur la suite et visionner le film qui a été tiré principalement de ce premier opus en 2005.
Et hop, pour la citation du jeudi, un petit extrait, l'incipit pour tout dire:
"Tout là-bas, au fin fond des tréfonds inexplorés et mal famés du bout du bras occidental de la Galaxie, traîne un petit soleil jaunâtre et minable.
En orbite autour de celui-ci, à la distance approximative de cent cinquante millions de kilomètres, se trouve une petite planète bleu-vert dont les habitants — descendus du singe — sont primitifs au point de croire encore que les montres à quartz numériques sont une vachté de chouette idée.
Cette planète a — ou plutôt, elle avait — un problème, à savoir celui-ci : la plupart de ses habitants étaient malheureux la plupart du temps. Bien des solutions avaient été suggérées mais la plupart d'entre elles faisaient largement intervenir la mise en circulation de petits bouts de papier vert, chose curieuse puisque en définitive ce n'étaient pas les bouts de papier vert qui étaient malheureux."
Chimère, Karine, Cachou, Mo,...
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26.03.2011
Le diable danse à Bleeding Heart Square - Andrew Taylor
Quand Lydia Langstone quitte son mari et sa confortable demeure, son seul abri est la pension de famille modeste où habite un père qu'elle n'a jamais connu et où se croisent des locataires pour le moins étranges, quand ils ne sont pas purement et simplement inquiétants. Pourtant, tout vaut mieux que les coups, même s'il faut trouver du travail, même s'il faut se passer de domestique et affronter les mystères que cache la disparition de la propriétaire de la pension, miss Penhow.
Je ne lis guère de littérature policière, mais que voulez-vous, d'abominables tentatrices sont passées par là et ma légendaire faiblesse étant ce qu'elle est, j'ai d'autant moins résisté à l'attrait de ce gros roman que la quatrième de couverture cite Jonathan Coe et dame Agatha. Deux excellentes raisons de lire ce roman "terriblement britannique" (dixit Cuné) qui se révèle effectivement prenant avec son atmosphère brumeuse où l'on devine au détour des escaliers de la pension ou des recoins de Bleeding Heart Square de sombres secrets, des liens occultes et des violences soigneusement masquées par le tissu épais des convenances. Petit à petit, les relations entre les personnages se dévoilent, tissant la trame d'une intrigue qui rappelle effectivement celles qu'offrait à ses lecteurs Agatha Christie y compris le twist final qui fait tourner en bourrique le lecteur mais avec un petit arrière-goût de detective story des années 50 sans le détective revenu de tout mais avec le journaliste fouineur et la "femme fatale". L'intrigue, sans être débordante d'originalité, est bien construite, alimentée par des aspects sociaux et politiques qui rappellent la réalité des années 1930 avec le chômage et la montée du fascisme. Elle n'édulcore pas pour autant le poids persistant des convenances dans la haute société et les drames et trahisons qui s'y déroulent, presque imperceptibles pour qui ne fait pas partie de ce monde. L'ambiance se fait souvent oppressante, de plus en plus lourde au fil des révélations, des secrets mis au jour, et de l'histoire de miss Penhaw qu'on devine, puis découvre tragique à travers son journal intime, chronique d'espoirs déçus et d'une lente descente aux enfers qui n'a rien à envier à ce que subissent ou ont subis ceux qui cherchent à comprendre ce qui lui est arrivé et se retrouvent pris dans les rets d'une violence protéiforme qu'ils combattent chacun à leur manière ou à laquelle ils cèdent.
Une franche réussite donc!
Cuné, Stephie, Keisha, Mivava,...
Taylor, Andrew, Le diable danse à Bleeding Heart Square, Le cherche-midi, 2011, 480p., 45
20:27 Publié dans Littératures anglo-saxonnes, Polars | Lien permanent | Commentaires (12) | Envoyer cette note
24.03.2011
La citation du jeudi: Une passion
" Je veux parler d'amour dans ces pages, toutes ces pages. Tout ce qui a été écrit sur terre, dit, murmuré, hurlé, crié, parle d'amour... Trois fois j'ai vécu dans ma vie de moniale les incursions du divin - ces instants de suffocation où le ravissement et la terreur se confondent. Chaque fois, oui, chacune de ces trois fois monta tout aussitôt en moi un cri : Ah, Seigneur, pas sans Abélard, pas sans lui ! "
Un texte sublime, porté par une voix qui lui donne une chair, une intensité, une densité qui provoque le frisson. Comme Fashion, comme Amanda, j'ai été emportée par cette incarnation d'Héloïse, par les notes égrenées au fil de son long cri d'amour. J'en suis sortie sans voix, littéralement sonnée. ' voulu choisir un extrait du texte, mais Une passion n'est pas encore dans ma bibliothèque. Cela ne saurait tarder. En attendant, cette citation faite dans la quatrième de couverture donne un avant-goût.
Il reste quelques jours pour aller voir cette pure merveille au théâtre du Lucernaire. Toutes les informations ici, et là.
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08:34 Publié dans Le jeudi c'est citation | Lien permanent | Commentaires (9) | Envoyer cette note
22.03.2011
Sans âme - Gail Carriger
Bien, bien, bien, bien, bien. C'est là que, paraît-il, les athéniens s'atteignirent... C'est que, comme qui dirait, je ne vais pas être la première, loin de là à pousser de grands ho, hi, ha, et plus si affinités en parlant du premier tome de la formidable série Le protectorat de l'ombrelle. Rien que ce titre, franchement, ça ne vous fait pas envie à vous? Non? Alors je ne sais pas ce qu'il vous faut! Un protectorat de l'ombrelle! Avec du loup-garou 100% véritable! Du vampire 100% mort! De l'action, de l'aventure, du muscle utile! De toute manière, vu la pub d'enfer que faisaient les copines à lord Maccon et à sa chère et tendre Alexia, je ne pouvait pas résister fort longtemps. A la première page j'ai gloussé, à la seconde retenu un fou rire, à la troisième hoquetté. J'étais fichue (oui, encore).
C'est que Sans âme est un roman diablement bien troussé. Non seulement il se paie le luxe d'installer un univers ma foi intéressant où les créatures magiques ont droit de cité, en tout cas au sein de l'Empire britannique (il y a des vilains pas beau qui ont des projets machiavélique, et heureusement, sinon l'ennui poindrait le bout de son nez, encore que, avec Alexia dans les parages...), mais en plus les personnages, Alexia (et son ombrelle), et lord Maccon loup-garou et alpha de son état sont profondément réjouissants. La première a pour caractéristique de ne pas avoir d'âme ce qui lui permet d'annuler les pouvoirs des créatures qui la touchent, et, pire, d'avoir un père italien, et mort ce qui obère largement les chances de mariage que lui laissaient son caractère bien trempé. Quant au second, il est écossais, ce qui résume assez bien la situation. Chacune de leurs querelles fait naître un sourire que l'esprit aventureux et purement scientifique d'Alexia ne fait que renforcer. Il y a quelques scènes où son abnégation est d'ailleurs profondément admirable. S'ils étaient seuls, ce pourrait être un peu court, mais autour d'eux gravite une galerie de personnages secondaires hauts en couleurs, souvent cocasses qui servent à merveille une intrigue qui va à 100 à l'heure. Les dialogues sont piquants à souhait, les bagarres épiques, les méchants suffisamment méchants pour faire ce qu'on leur demande, on retrouve par-ci par-là des références à la littérature classique britannique... Bref, c'est un coup de coeur. Et puisqu'il paraît que la traduction est excellente, ce qu'à vue de nez je confirme puisqu'à aucun moment je n'ai grincé des dents, je vais aller le vérifier en relisant ce fabuleux premier tome in english dans le texte, et la suite pour faire bonne mesure. C'est pour la science, il faut que j'étudie de plus près les moeurs des loups-garous.
Pimpi, Karine:), Petite fleur, Fashion (tout ça c'est de ta faute, oui, encore), Chimère, Yueyin,...
Carriger, Gail, Sans âme, Orbit, 2011, 324 p., 5/5
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19.03.2011
Le show de la vie - Chi Li
"Dans la rue du Bon-Augure, au cœur de la grande ville de Wuhan, l'animation bat son plein toute la nuit : autour des gargotes installées en plein air se pressent petits vendeurs et artistes de rue. Célébrité y tient chaque soir son étal de cous de canard. Originaire de ce quartier populaire, elle ne l'a jamais renié, contrairement à sa sœur qui rêve d'une brillante carrière dans les médias. Fidèle à ses origines, mais dotée d'une intelligence qui lui a permis de sortir du lot, Célébrité est le pilier de la famille : elle porte à bout de bras son jeune frère drogué et se dépense sans compter pour assurer l'avenir de son unique neveu, négligé par une mère frivole."
Neuvième roman de Chi Li a être traduit en français et formidable succès en Chine, Le show de la vie ouvre une porte vers la Chine des petites gens, la vie et les soucis quotidiens dans un quartier populaire où les gens se connaissent, se guettent et vivent avec plus ou moins de facilité et d'agitation ensemble. Mais attention, pas de politique, pas de démonstration, ce n'est pas le propos. Ce qu'offre Chi Li avec ce roman, c'est avant tout le portrait d'une femme forte, débrouillarde et pragmatique, souvent drôle, en tout cas décidée. Célébrité trace son chemin à sa manière quoi qu'en pense son entourage, quitte à se transformer en mégère pas tout à fait apprivoisé, à ruser, voire à tromper. Pour elle, la fin justifie les moyens puisqu'il s'agit après tout de continuer à assurer la subsistance de sa famille même si ceux-ci ne sont guère conscients de ce qu'elle fait pour eux, et de mener sa propre barque professionnelle et amoureuse avec plus ou moins de bonheur face à des hommes qui ne sont guère mieux que des boulets. A travers ce personnage, c'est le portrait d'une Chine méconnue que dresse Chi Li: partagée entre traditions et conventions sociales toujours vivaces, communisme et ouverture au libéralisme. C'est un joli texte, dont le style est au départ un peu déstabilisant, à cause d'une certaine concision qui confine par moment à la froideur mais qui déborde de chaleur et d'amour, expose sans jamais juger ou sombrer dans le misérabilisme une réalité parfois, voire souvent difficile. On sourit, on rit, on s'attriste aux déconvenues de Célébrité dont on ne peut qu'admirer la capacité à affronter la vie et à sortir la tête haute de ses combats et ses échecs, on adore détester Premier le frère aîné et son horrible femme, l'envie prend de donner une bonne paire de claques à Jade, la petite soeur arrogante... Et on s'étonne parfois des réactions de leur soeur, marquée par des règles sociales éloignée de ce que l'Occident peut connaître.
Souvent drôle, débordant de petits aphorismes et de proverbes, Le show de la vie égrène une petite musique douce-amère qui permet de découvrir sous un autre jour la Chine. Indéniablement à découvrir.
Chi Li, Le show de la vie, Actes Sud, 2011, 171p., 4/5
Lu dans le cadre des
22:16 Publié dans Littératures asiatiques | Lien permanent | Commentaires (6) | Envoyer cette note
15.03.2011
La cuisine des flibustiers - Melani Le Bris
Comme le dit si bien Michel Le Bris dans sa passionnante introduction au non moins passionnant La cuisine des flibustiers, on s'imagine plus souvent ces féroces marins mâchonnant tristement une nourriture farçie de charançon ou ivres de tafia que faisant bombance. Or, c'est pourtant par eux que naît la cuisine caraïbe, celle, d'une infinie richesse des îles du Pacifique et de l'océan Indien.
Pour le prouver par A+B, Mélani Le Bris invite ses lecteurs à un voyage haut en couleur dans l'univers de la flibuste. Il y a bien sûr des recettes, certaines alléchantes, d'autres qui laissent plus dubitatif ou frustré de ne pouvoir se procurer des ingrédients devenus rares, voire de ne pas avoir d'endroit où se construire un boucan. Mais ce qui fait la grande force de ce recueil, c'est d'y mêler des extraits de récits de grands voyageurs, comme le père Labat, jamais en retard d'une expérience gustative, de raconter des anecdotes, de présenter quelques flibustier pour faire en même temps l'histoire de cette cuisine qui naît au confluent des us et coutumes culinaires des populations locales, des esclaves, des colons et du voyage parfois étonnant des ingrédients qui en font tout le sel. Le tout saupoudré d'un peu d'histoire de la flibuste et de la colonisation des îles. C'est captivant, souvent drôle, bourré d'informations qui donnent envie de se plonger dans les mémoires du père Labat et de partir à l'aventure avec Oexmelin, Dampier, Morgan, Thomas Gage et les autres. Autant dire qu'on en sort l'eau à la bouche et les ustensiles de cuisine qui démangent!
Bref, un fort sympathique recueil de recettes qui va garder une place de choix sur mon étagère de livres de cuisine et qui va me donner un prétexte pour aller explorer l'univers merveilleux des ignames, manioc, fruits à pain, épices et autres dons de la nature!
Ce que je ne me suis pas privée de faire en me jetant sur deux patates douces qui coulaient jusqu'alors des jours sereins pour réaliser les sweet potatoes pones de Catherine Sullivan, auteur du remarquable (il ne peut que l'être) The Jamaïca Cookery Book publié en 1893.
Que vous faut-il:
- une patate douce (celle à chair orangée est plus sucrée que sa consoeur à chair blanche), ou plusieurs petites, le but est d'obtenir environ 500g de purée;
- une cuillière à soupe de purée d'igname (dont je me suis passée n'ayant pas d'igname à portée de main);
- un oeuf;
- le lait d'une demi noix de coco (j'ai mis environ 25cl de lait de coco en boîte);
- une pincée de poivre noir de Jamaïque (poivre noir normal en attendant de rouvrir mes cartons);
- une pincé de muscade;
- une pincée de cannelle (qui n'est pas dans la recette originale, mais j'aime trop la cannelle pour m'en passer);
- un oeuf;
- deux cuillières à soupe de sucre roux.
Faire cuire la patate dans de l'eau bouillante, peler et réduire en purée.
Ajouter l'oeuf battu, le lait de coco, poivre, muscade et cannelle, purée d'igname. Faire fondre les deux cuillières à soupe de sucre dans une petite tasse d'eau, ajouter à la préparation.
Répartir dans des moules à muffin, faire cuire environ 40 minutes à 180°C. Vérifier la cuisson avec la pointe d'un couteau.
Résultat?
Les gâteaux ont un peu une texture de flan mais ont un arôme très sympa! A priori j'ai mis un peu trop de lait de coco et je réessairai en séparant jaune et blanc de l'oeuf, en montant le blanc en neige pour l'intégrer à la pâte. J'ajouterai peut-être aussi un tout petit peu de farine ou de fécule.
Sinon j'ai trouvé là, une autre recette que je vais essayer.
L'avis d'Amanda
14:00 Publié dans Essais, Gourmandises | Lien permanent | Commentaires (10) | Envoyer cette note
14.03.2011
La nonne et l'assasin - Frédérique Deghelt
Dans la vie de Lysandre il y a deux rencontres, un amour fou qui bouleverse tout et un cahier couvert d'une petite écriture ronde, celle de soeur Madeleine, une nonne dont la vie va entrer, de curieuse manière, en résonance avec la sienne.
Le nouveau roman de Frédérique Deghelt, je l'attendais avec impatience, et aussi la peur de la déception après la lecture lumineuse de La grand-mère de Jade. Or, une fois de plus, la magie de sa plume a fait effet. On plonge presque en apnée dans non pas un, mais deux amours fous, dont les récits alternent, s'enchevêtrent petit à petit intimement. On apprivoise Lysandre et cette passion pour Pierre qui détruit toutes ses convictions, tous ses repères. On entre comme elle, avec curiosité et attente dans l'histoire improbable de soeur Madeleine et d'Angel.On découvre Tomas, vieux monsieur plein de secret. Au gré des pages, on partage l'émerveillement de l'amour, la souffrance dont parle si bien Frédérique Deghelt avec sa plume sensible, délicate et sensuelle, qu'elle parle d'amour, d'un lieu, d'une caresse comme d'une ville ou d'un chemin parcouru au début d'une journée. La nonne et l'assassin est une superbe exploration du sentiment amoureux et de la manière dont il rend intensément vivant, à la fois sourd au monde et plus ouvert, souffrance qui détruit, révèle à soi, mais qui n'est jamais malédiction, ni blasphème comme le laisse entendre la tragique histoire de Padilla racontée par Victor Hugo cité en exergue:
"Il était laid ; des traits austères,
La main plus rude que le gant ;
Mais l'amour a bien des mystères,
Et la nonne aima le brigand."
Hasards de la vie sans doute, ce texte est entré en résonance avec celui de Christiane Singer, Une passion: entre ciel et chair, entendu alors que je venais tout juste de commencer ma lecture au théâtre Lucernaire.
Je n'ai pas envie d'en dire plus. C'est un texte à ressentir, à savourer, et à conserver précieusement avec toutes ses pages cornées.
Là où les livres sont chez eux, Irrégulière,...
Deghelt, Frédérique, La nonne et le brigand, Actes Sud, 2011, 409 p., 5/5
11:35 Publié dans Littératures françaises | Lien permanent | Commentaires (25) | Envoyer cette note
10.03.2011
La citation du jeudi: Le show de la vie
"Célébrité n'avait jamais considéré que la rue du Bon-Augure fût parfaite, ni que la vie des petites gens du quartier soit parfaite. Célébrité ne faisait pas de théories. Elle se fiait à son intuition pour se faire une opinion. Et son opinion lui dictait ceci: la vie, ce machin, ne vous permet pas de choisir en connaissance de cause. Si c'était aussi simple, tout le monde se choisirait la meilleure des vies. Qui ne voudrait pas être le plus riche, le plus distingué, le plus libre, le plus à l'aise, etc.? L'homme n'est pas libre; dès sa naissance, il est comme une graine tombée sur un carré de terre. Que cette terre soit gorgée de vase, d'eau sale, ou qu'elle soit couverte de massifs de fleurs, de pots de miel, personne ne peut le savoir à l'avance. On doit se contenter de ce sur quoi on tombe."
"Dans la rue du Bon-Augure, au cœur de la grande ville de Wuhan, l'animation bat son plein toute la nuit : autour des gargotes installées en plein air se pressent petits vendeurs et artistes de rue. Célébrité y tient chaque soir son étal de cous de canard. Originaire de ce quartier populaire, elle ne l'a jamais renié, contrairement à sa sœur qui rêve d'une brillante carrière dans les médias. Fidèle à ses origines, mais dotée d'une intelligence qui lui a permis de sortir du lot, Célébrité est le pilier de la famille : elle porte à bout de bras son jeune frère drogué et se dépense sans compter pour assurer l'avenir de son unique neveu, négligé par une mère frivole."
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07:00 Publié dans Le jeudi c'est citation | Lien permanent | Commentaires (10) | Envoyer cette note
08.03.2011
Les lames du cardinal - Pierre Pevel
An 1633. Louis XIII règne sur le royaume de France, Richelieu gouverne et tente de déjouer les complots contre sa personne et, plus grave, contre le trône de France, menacé par bien des adversaires dont les plus dangereux sont les dragons, tout puissants à la cour d'Espagne, influents en France et avides de reconquérir le pouvoir qui fut celui de leurs ancêtres. Or, la menace grandit. Au point de faire appel à un groupe de combattants, une élite sacrifiée aux nécessités politiques qu'il faut réunir de nouveau. Sous les ordres du capitaine La Fargue, Les lames du Cardinal se reforment pour faire face à une ennemi sans doute plus redoutable que tous ceux qu'ils avaient jusqu'alors affrontés.
Comment définir la chose... Du Dumas sauce dragons? Un tantinet réducteur, mais c'est bien de cela dont il s'agit: un roman d'aventure trépidant, un feuilleton mêlé à une fantasy plutôt enthousiasmante où dragons et magie se mêlent. Il est vrai que j'avais déjà fort apprécié du même sieur Pevel Les enchantements d'Ambremer. Là, j'ai adoré. D'abord parce que le contexte historique n'est jamais au grand jamais dénaturé. Pierre Pevel s'est solidement documenté, et recrée un Paris du début du 17e siècle plus vrai que nature. On voit les rues populeuses, on sent l'atmosphère d'une capitale déjà effervescente, et on suit avec plaisir les lames des bas-fonds aux sphères les plus hautes de la société française, du quotidien à l'événement de cour le plus exceptionnel. C'est toute une époque qu'il fait revivre avec talent et sans jamais l'air de donner une leçon d'histoire. Car l'important, c'est l'aventure, et en ce qui la concerne, le lecteur est servi. Espionnage, duels, combats homériques, fuite éperdues, complots, il y en a pour tout les goûts, l'histoire prenant le temps de se développer sur trois tomes et se complexifiant petit à petit autour de dragons dont les relations sont, comme dans le monde humain, régies par des enjeux de pouvoir et des luttes intestines ou ouvertes. Sy ajoutent les soeurs de Saint Georges, ordre religieux usant de la magie et combattant les dragons, les dracs, et d'autres trouvailles comme les dragonnet.
J'avoue ne pas avoir boudé mon plaisir, et l'avoir d'autant moins boudé qu'entre Marciac le gascon séducteur, Saint-Luc le sang-mêlé, La Fargue, Agnès l'amazone et son fidèle Ballardieu, Almadès le taciturne, Laincourt le mystérieux et Leprat le mousquetaire, les relations sont hautes en couleur et que, ce qui ne gâche rien, loin de là, on croise de loin en loin M de Treville, d'Artagnan et Athos. Il est d'ailleurs plutôt amusant de voir de l'extérieur la rivalité entre gardes du cardinal et mousquetaires et de découvrir un peu mieux les fameuses casaques rouges.
Chaque personnage, s'il n'a rien de révolutionnaire, tient son rôle de bout en bout et s'avère au bout du compte plus complexe qu'à première vue, chacun portant le poid d'un passé parfois trouble sans être dénué d'un humour toujours bienvenue entre deux aventures et quelques rebondissements. Dommage que quelques questions les concernant restent sans réponse, j'aurais vraiment aimé en apprendre un peu plus sur certains d'entre eux!
Seul bémol, la tendance de Pierre Pevel aux répétitions qui peuvent se faire, par moment, un peu agaçantes. Mais j'ai eu, il est vrai, la chance de ne pas devoir attendre entre deux tomes. Encore qu'au bout d'un petit millier de pages, on finit par intégrer le fait que l'atmosphère de Paris ne sent guère la rose et que la boue y est légérement corrosive.
Bref, c'est un excellent roman d'aventure qui réussi le pari de mêler histoire et fantasy sur un mode feuilletonnesque des plus réjouissant tout en rendant un bel hommage à l'univers de Dumas. Bravo M. Pevel!
Folfaerie, Imaginelf, Nicolas Soffray,...
Pevel, Pierre, Les lames du cardinal, L'alchimiste des ombres, Le dragon des arcanes, Bragelonne, 4/5
Ca compte dans le Winter Tome Travel de Lhisbei!
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05.03.2011
La princesse de Montpensier - Mme de la Fayette
" Pendant que la guerre civile déchirait la France sous le règne de Charles IX, l’amour ne laissait pas de trouver sa place parmi tant de désordres, et d’en causer beaucoup dans son empire. La fille unique du marquis de Mézière, héritière très-considérable, et par ses grands biens, et par l’illustre maison d’Anjou, dont elle était descendue, était promise au duc du Maine, cadet du duc de Guise, que l’on a depuis appelé le Balafré. L’extrême jeunesse de cette grande héritière retardait son mariage, et cependant le duc de Guise, qui la voyait souvent, et qui voyait en elle les commencements d’une grande beauté, en devint amoureux, et en fut aimé. Ils cachèrent leur amour avec beaucoup de soin. Le duc de Guise, qui n’avait pas encore autant d’ambition qu’il en a eu depuis, souhaitait ardemment de l’épouser ; mais la crainte du cardinal de Lorraine, qui lui tenait lieu de père, l’empêchait de se déclarer. Les choses étaient en cet état, lorsque la maison de Bourbon, qui ne pouvait voir qu’avec envie l’élévation de celle de Guise, s’apercevant de l’avantage qu’elle recevrait de ce mariage, se résolut de le lui ôter et d’en profiter elle-même, en faisant épouser cette héritière au jeune prince de Montpensier."
Pour moi, La princesse de Clèves est sans conteste un des plus beaux romans d'amour malheureux qui soit. Bon, force m'est d'admettre avec Aurore que tout cela peut apparaître limite comme de la science-fiction (je t'aime, moi aussi, nous nous aimons, mais non ce n'est pas possible, soyons tous malheureux en coeur, et plus si affinités si tant est que la morale approuve le plus, mais ceci est un autre problème), mais au final, ce n'est guère qu'un raison de plus d'aimer ce texte. Tout ça pour dire que malgré mon amour pour la plume de Mme de La Fayette, les aléas de la vie m'avaient toujours tenue éloignée du reste de son oeuvre et cela aurait pu durer encore longtemps s'il n'y avait pas un dieu pour les LCA, lequel a permis qu'à la faveur de la sortie d'un film que je n'ai pas vu (une crise de tétanie, ma dernière expérience en matière de film en costume français ayant été... en fait il n'y a pas de mots pour ça), La princesse de Montpensier soit mise à l'honneur. Ce qui m'a servi de pense-bête.
Je ne vais pas résumer l'intrigue, l'incipit en tête de cet article, fait le tour du problème. Une fois de plus, c'est d'amour dont il est question, amour passion, amour malheureux, amour secret, amour qui, évidemment, n'amène que drames et déchirements. Autour de la belle princesse de Montpensier, les hommes se pressent. Son époux tout d'abord, Henri de Guise ensuite, mais aussi Henri d'Anjou, et le comte de Chabannes, ami intime du prince de Montpensier. Elle a épousé le premier, aime le second, tente de tenir à distance l'amour du dernier et aurait sans doute pu se tirer à son avantage de cet imbroglio si la passion ne l'avait pas conduite à l'imprudence, et à la mort. D'une certaine manière, elle est le reflet inversé de ce que sera quelques années plus la princesse de Clèves: celle qui cède et en meurt face à celle que ses principes amènent à la mort. Deux destins d'une infinie tristesse qui racontent ce qu'est une femme au 17e siècle: enjeu de luttes amoureuses et de prestige, objet de passion, en tout cas jamais, ou rarement maîtresse de son destin. Une imprudence, et c'est la fin quand ceux qui ont provoqué la perte continuent leur chemin sans presque plus y penser. C'est en tout cas la morale de ce court texte qui présente la passion amoureuse sous des auspices tragiques et s'attache à décrypter de manière magistrale le jeu des sentiments.
La Fayette, Madame de, La princesse de Montpensier, Pocket, 2010, 83p., 4/5
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