20.05.2009

Henri Rivière, entre impressionnisme et japonisme

Ce que j'aime dans les musées et galeries parisiens, c'est qu'au détour d'un affiche, d'une balade du dimanche, on peu soudain tomber en amour avec une oeuvre. C'est ce qu'il m'est encore arrivé avec Henri Rivière qui m'était jusqu'alors totalement inconnu: des gravures superbes, des aquarelles à couper le souffle, des dessins touchants, des couleurs et des atmosphères sublimes, je suis entrée dans une univers fascinant.

Mais présentons donc ce monsieur avant de se répandre en compliments divers et variés dont il n'a plus que faire, étant décédé 1951.

Autodidacte, Henri Rivière commence sa carrière artistique au sein du groupe d'artiste qui fréquente le mythique Chat Noir et se fait connaître comme créateur du Théâtre d'ombre dont on peut voir des morceaux au Musée d'Orsay.

Les spectacles qu'il conçoit à cette époque remportent un grand succès. Rivière transpose les tableaux successifs des spectacles en lithographies qui sont exposées au tout début de l'exposition: La marche à l'étoile, L'enfant prodige, Le juif errant, autant de pièces qui annoncent la suite d'une oeuvres passionnante.

Dès ce moment j'étais perdue: des gravures douces, dans des teintes pastels, extrêmement poétiques se succèdent. En regard, des eaux-fortes plus sombres comme L'enterrement aux parapluie, attirent l'oeil. Dès lors, il est clair que Henri Rivère est un graveur hors pair.

 Dès la deuxième salle, on entre de plain pied dans ses recherches: au cours de sa carrière, Henri Rivière va explorer une grande partie des facettes de l'art de la gravure: eaux-fortes, lithographie, gravure sur bois, l'aquatinte, le vernis mou, etc. Il a ainsi parfois réalisé les mêmes sujets de différentes manière. Voir ces oeuvres misent en regard permet de découvrir les techniques de gravure. C'est d'autant plus intéressant que le étapes successives de la gravure et de sa colorisation, les dessins préparatoires, les matrices sont également exposées.

C'est également à partir de cette deuxième salle que se révèle la fascination de Rivière pour la Bretagne et l'art japonais. La Bretagne, il va y séjourner régulièrement et en tirer deux séries magistrales: Paysages bretons et La Mer, études de vagues.

Il collectionne les estampes japonaises et se lance dans la gravure sur bois en couleurs, retrouvant de manière empirique la technique japonaise et gravant de nombreux paysages bretons tous plus beaux les uns que les autres.

L'influence japonaise, on la retrouve de manière évidente dans les Trente-six vues de la Tour Effeil, hommage aux Trente-Six vues du Mont Fuji de Hokusai. Comme lui, Rivière joue sir les cadrages, les points de vue, les saisons, la lumière pour donner une vision atypique du Paris du début du 20e siècle.

 Emaillant l'accrochage des oeuvres de Rivière, des estampes de Hokusai et Hiroshige issues de la collection personnelle de l'artiste permettent non seulement de comparer le résultat des techniques des uns et des autres, mais de perçevoir pleinement l'influence profonde que l'art japonais a eu sur lui.

Suivent des lithographies en grand format à destination décorative: Les aspects de la nature, La féérie des heures, Beau pays de Bretagne...

Enfin, c'est l'oeuvre d'aquarelliste de Rivière qui est mise à l'honneur: une oeuvre foisonnante qui fait faire un tour de France en paysages. J'y ai retrouvé avec plaisir mon sud natal. Et découvert les différentes étapes de l'exécution des aquarelles.

 

Une très très belle exposition à la BnF, site Richelieu, que je vous encourage à aller découvrir si ce n'est pas déjà fait!

Les reproductions d'oeuvres viennent du site Les amis d'Henri Rivière. Elles seront supprimées à la demande. Pour en savoir plus sur cet artiste, filez à l'adresse suivante, il y a de quoi faire: http://www.henri-riviere.org/v2/!

 

 

04.05.2009

William Blake, génie visionnaire

Une fois n'est pas coutume, il va être question dans le Terrier d'un genre littéraire et artistique avec lequel mes relations sont pour le moins contradictoires, chaotiques et passionnelles, j'ai nommé le romantisme. Je ne reviendrais pas sur l'ennui profond qui m'étreint à la lecture de Lamartine et sur mes états d'âmes qui n'intéressent personne, mais ceci me permet de souligner que me trouver dans l'exposition consacrée par le petit palais à William Blake, artiste pré-romantique s'il en est n'était pas une évidence. La curiosité, ce si vilain défaut, mais cependant poussée à pointer le bout de mon nez par là-bas. 

 

L'oeuvre de cet artiste pré-romantique anglais né en 1757 est pour le moins étrange. Il faut dire que l'homme lui-même est complexe: fils de bonnetier éduqué, graveur de talent, jeune homme habité par des visions et une grande sensibilité religieuse, poéte, admirateur des idéaux révolutionnaires en révolte contre les églises et le monde politique... Un foisonnement d'idées, de convictions, de manières d'être et de faire qui a donné une oeuvre qui a bouleversé les canons académiques et qui l'a longtemps fait considéré par ses contemporains comme fou. On peut les comprendre.Mon sentiment dès les premières oeuvres exposées est que ses gravures, ses poèmes, ses dessins et ses autres oeuvres traduisent la violence de la révote qui l'habite, son dégoût du monde et de la religion. Je ne suis pas historienne de l'art mais pour moi, si Blake est un graveur et un dessinateur néo-classique, son oeuvre est tout de même une rupture marquée avec les canons esthétiques de la fin du 18e siècle: violence des couleurs, travail de la perspective, symbolisme des sujets, ... Tout cela tranche avec ce que nous pouvons avoir l'habitude de voir. Ses dessins préparatoires aux gravures sont d'une étonnante modernité.

Le cheminement dans l'exposition suit l'évolution de l'homme. On commence par les années d'apprentissage et des dessins et gravures classiques et maîtrisés, des reproductions de tombes, d'oeuvres de Watteau, etc. Rien qui révèle la^personnalité de ce jeune homme qui avait commencé à écrire des poèmes dans le style élizabéthain à l'âge de 12 ans, ou qui  dessinait déjà le Fantôme d'une puce.

File:William Blake 002.jpg

 Puis on passe à ses eaux-fortes et ses livres enluminés selon une technique nouvelle (dictée en rêve par son frère décédé d'une tuberculose): Il n'est pas de religion naturelle, Tiriel (un poéme épique), Les chants d'innocence et Les chants d'expérience.  Les planches extraites de ces deux derniers recueils sont des petites merveilles où les textes sont imbriqués à des gravures d'une grande finesse aux couleurs douces et aux détails souvent adorables et/ou terrifiants.

File:Blake Nurse's Song.jpg

Rien à voir avec les livres enluminés prophétiques su'il commence à élaborer et publier à partir de 1794. Le livre de Thel, Le mariage du ciel et de l'enfer, Les visions de illes d'Albion, Amérique, Prophétie, Europe Prophétie rompent avec ses oeuvres précédentes. Il y exprime sa certitude que l'histoire est une lutte permanente entre la liberté et la tyrannie, les révolutions et la poésie étant les seuls moyens pour l'homme de se libérer de la malédiction des oppressions religieuses et sociales, de la guerre, l'esclavage, etc.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Les années qui suivent, il se consacre à des eaux-fortes sans texte sur des thèmes mythologiques ou symboliques, à une série de portraits de poètes a tempera, à des illustrations de poèmes de Milton, à des aquarelles sur le thème de la Bible.

Suivent des gravures sur bois des Bucoliques de Virgile, superbe dans le détail, des gravures, des aquarelles pour illustrer Le voyage du pélerin (plutôt ironique quand on pense à son rejet des églises), ou encore La divine comédie de Dante.

File:Blake Dante Hell XII.jpg 

 

Il meurt à Londres en 1827, laissant un certain nombre d'oeuvres inachevées.

Une exposition passionnante, donc, qui permet de découvrir un poète, un graveur, un aquarelliste et sa postérité (la dernière de l'exposition est consacrée aux traces qu'à pu laisser Blake, avec des extraits de films, de chansons, une toile de Francis Bacon, etc.). Pour information, les oeuvres que j'ai trouvé au fil du net et qui illustrent ce billet ne sont pas forcément celles qui se trouvent dans l'exposition! Je ne peux que vous conseiller d'aller voir tout cela en vrai au petit Palais!

 

05.10.2008

Andrea Mantega ou l'Italie

Certains esprits chagrins (ils se reconnaîtront s'ils passent par ici) vous diraient que mon pire défaut lorsque je suis en voyage, est de vouloir grimper sur tout ce qui ressemble à une tour, une montagne ou une colline. Certes. Ils ajouteront sans doute qu'il ne faut pas me lâcher dans une ville d'art et d'histoire sous peine de me retrouver avec un plâtre faute d'avoir regardé où je mettais les pieds, voire de ne pas me retrouver du tout. Sans aucun doute. Mais il y a pire! Mon amour immodéré de la peinture italienne dans ce qu'elle a donné à mon humble avis de meilleur: les primitifs et la Renaissance! Bizarrement, les gens ont parfois du mal à comprendre ce que la mécréante que je suis trouve de si fascinant dans des annonciations, des adorations et autres -ions. Tant pis pour eux! Ils ne savent pas ce qu'ils ratent!

Image:San Gimignano.JPG
 

(Ca, ce sont des tours sur lesquelles j'ai allégrement grimpé!)

Ce qui ne m'empêche bien évidemment pas d'être totalement incapable de me souvenir du nom de mes peintres préférés! Un poisson rouge en plus du reste!

Bref, après cet horrible coming-out, je reviens à mes moutons, soit la sublime rétrospective
Mantegna que le Louvre offre aux parisiens et aux touristes jusqu'au 5 janvier 2009. L’exposition réunit un ensemble d’œuvres qui permettent de retracer les grandes étapes de la carrière du peintre et de l’évolution de son style. Aux œuvres de Mantegna proprement dites, font face les travaux de ses contemporains ou de ses successeurs : toiles, retables, manuscrits enluminés et illustrés, carnets de croquis, dessins préparatoires, sculptures, gravures, etc… Une diversité fort appréciable dans un parcours aussi long ! On croise ainsi Bellini fils, Ghirlandaio, Léonard de Vinci, Corrège, Girolamo da Crémona, Van der Weyden… Cette conception de l’exposition permet au profane comme au spécialiste de relever les influences que ces artistes ont exercé les uns sur les autres. Autant dire que cela peut facilement se transformer en une chasse au petit détail qui fera toute la différence ! C’est passionnant et fascinant de voir à quel point avec des sujets identiques et des techniques proches, ces artistes ont créé des œuvres profondément différentes, exprimant ainsi leurs personnalités.

 

J’avoue avoir été très impressionnée par l’œuvre de Mantegna. Je connaissais pour les avoir croisées au hasard de mes pérégrinations quelques unes de ses œuvres, mais voir cet ensemble permet de mieux appréhender son incroyable talent. Il semble faire ployer la lumière et la contraindre à éclairer son sujet de la manière la plus juste possible. Les drapés, les détails des vêtements, l’expressivité des visages sont à chaque fois une surprise. Quand aux arrière-plans, ils justifient à eux seuls les longues minutes que l’on peut passer le nez à dix centimètres de l’œuvre !

Mais foin d’explications ! Voilà quelques unes des œuvres qui m’ont le plus touchée.

 

 

 

Saint Marc (huile sur toile conservée au Museum Städel de Franfort sur le Main)

 

Saint Marc (huile/toile, Museum Städel, Francfort sur le Main) 

 

J’ai beaucoup aimé ce portrait de Saint Marc ! Il a un petit air illuminé qui lui donne un aspect presque guilleret !

 

Martyre de saint Sébastien (huile/toile, Louvre, Paris) 

 

Ce Saint Sébastien est grandeur nature (j’espère avec ferveur ne pas m’être trompée de toile) ! Autant vous dire que la tension, l’horreur qui se dégage de cette toile est à la mesure du supplice infligé au saint ! C’est là encore une merveille de détail et de couleurs !

 

La Madone entourée de saints, avec François II de Mantoue à genoux (huile sur toile conservée au muée du Louvre)

 

  La Madone entourée de saints, avec François II de Mantoue à genouxc. 1496 Huile sur toileLouvre, Paris

 

Cette Madone est absolument monumentale. On tombe en arrêt devant elle en entrant dans une salle. La douceur du visage de la Vierge est bien loin des visages un peu déformés que l’on peut voir sur des œuvres de peintres antérieurs. On commence à trouver chez Mantegna la beauté des modèles de la Renaissance. On ne le voit pas sur cette toute petite reproduction, mais le dais végétal sous lequel se tiennent les personnages est une merveille de détail et de richesse qui fait un contrepoint parfait aux drapés et aux couleurs.

 

La présentation de Jésus au temple

 

 Image:Andrea Mantegna 049.jpg

 

Rien à ajouter !

 

 

 

Une œuvre un peu différente, commandée par Isabelle d’Este pour son studiolo du palais ducal de Mantoue. Cette allégoie s’intègre dans un ensemble (présenté là au complet) qui comprend entre autre un Corrège, un Lorenzo Costa, un Pérugin…

 

 
 

 

Et pour terminer, celle qui est pour moi une des plus belles Madone à l’enfant

 

 

 

Je m’arrêterais là en espérant ne pas avoir assommé d’ennui ceux qui seront parvenus jusque là ! Emportée par la passion, j’aurais bien continué encore un peu ! Mais autant vous laisser le bonheur de découvrir le reste…

 

22.09.2008

Jardins de cristal

Une des choses que j'aime à Paris, c'est qu'il y a toujours des endroits à découvrir. Il y avait belle lurette que j'étais intiguée par le mystérieux jardin de Bagatelle. Pour moi, ce nom a des résonnances de romans de Maurice Denuzière, de folles aventures et de déchirements amoureux. C'est donc avec un fol enthousiasme que j'ai enfourché le métro pour une épique traversée de Paris, que je me suis (comment ça évidemment) perdue dans les méandres du Bois de Boulogne en ralant comme une teigne contre l'inexistence absolement outrageuse de panneaux de signalisation ("c'est pas de ma faute, c'est le panneau!) avant d'aboutir à la ravissante entrée de l'objectif du jour tout en papotant fort agréablement avec Miss J. qui m'accompagnait! Et coup de chance, nous profitions non seulement d'un temps sublime, mais en plus de l'exposition Jardins de Cristal!

Affiche exposition cristal à Bagatelle



Bref.

Le Jardin de Bagatelle donc! Fruit d'un pari entre Marie-Antoinette et le Comte d'Artois, il fut conçu en 1777 par l'architecte Bélanger et réalisé par Thomas Blaikie en à peine 64 jours. Une sacrée prouesse!  A cette époque, l'art du jardin connaissait en France une profonde mutation, en réaction à la rigueur des jardins dits "à la française" du 17e siècle. Il relève donc du style anglo-chinois, mêlant paysages inspirés de la peinture et élèments architecturaux orientaux.

Le parc échappa aux destructions de la Révolution française et fut transformé: orangerie, grille d'honneur, écuries, pavillons des gardes et Trianon trouvèrent leur place en son sein.
Son rachat par la Ville de Paris permit sa réhabilitation et sa transformation en jardin botanique.

Ce point d'histoire ne donne qu'une très vague idée de la beauté de cet endroit. Quand on y pénètre par le côté Porte Maillot, on traverse un tunnel de verdure qui débouche sur l'orangerie et la magnifique roseraie. L'occasion de flaner dans les allées, grisé par l'odeur et les couleurs.




















































Au détour des allées, on croise des

folies...

























Des statues...

































Des mares et des prairies...

























De quoi apprécier de se perdre dans le méandre des allées.

Quand à l'exposition Jardins de Cristal, c'est un petit moment de magie, parfaitement intégré au paysage. Les oeuvres des quatre manufactures participantes s'intègrent au paysage et donnent une impression de féérie. On bascule dans un autre monde ooù les fontaines chantent, où les fleurs brillent des couleurs qu'elle projettent sur ce qui les entoure, les animaux sont d'une rare finesse et où des fruits étranges poussent sur les arbres.

La fontaine du Maharadjah (manufacture Saint-Louis) accueille le visiteur de tous ses feux...

































L'orangerie de cristal...

































Le bestiaire de Lalique...























Les rives d'Amaryllis de Daum, sans doute la pièce exposée que j'ai préféré par ses couleurs et la magie qu'elle dégageait...




L'Ours de Baccarat...

























Une belle balade que je vous conseille donc avec chaleur! Le parc vaut à lui seul le détour, mais l'exposition dure jusqu'au 2 novembre. Les informations pratiques sont par

. Et quelques photographies supplémentaires ici!