24.03.2011
La citation du jeudi: Une passion
" Je veux parler d'amour dans ces pages, toutes ces pages. Tout ce qui a été écrit sur terre, dit, murmuré, hurlé, crié, parle d'amour... Trois fois j'ai vécu dans ma vie de moniale les incursions du divin - ces instants de suffocation où le ravissement et la terreur se confondent. Chaque fois, oui, chacune de ces trois fois monta tout aussitôt en moi un cri : Ah, Seigneur, pas sans Abélard, pas sans lui ! "
Un texte sublime, porté par une voix qui lui donne une chair, une intensité, une densité qui provoque le frisson. Comme Fashion, comme Amanda, j'ai été emportée par cette incarnation d'Héloïse, par les notes égrenées au fil de son long cri d'amour. J'en suis sortie sans voix, littéralement sonnée. ' voulu choisir un extrait du texte, mais Une passion n'est pas encore dans ma bibliothèque. Cela ne saurait tarder. En attendant, cette citation faite dans la quatrième de couverture donne un avant-goût.
Il reste quelques jours pour aller voir cette pure merveille au théâtre du Lucernaire. Toutes les informations ici, et là.
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22.03.2011
Sans âme - Gail Carriger
Bien, bien, bien, bien, bien. C'est là que, paraît-il, les athéniens s'atteignirent... C'est que, comme qui dirait, je ne vais pas être la première, loin de là à pousser de grands ho, hi, ha, et plus si affinités en parlant du premier tome de la formidable série Le protectorat de l'ombrelle. Rien que ce titre, franchement, ça ne vous fait pas envie à vous? Non? Alors je ne sais pas ce qu'il vous faut! Un protectorat de l'ombrelle! Avec du loup-garou 100% véritable! Du vampire 100% mort! De l'action, de l'aventure, du muscle utile! De toute manière, vu la pub d'enfer que faisaient les copines à lord Maccon et à sa chère et tendre Alexia, je ne pouvait pas résister fort longtemps. A la première page j'ai gloussé, à la seconde retenu un fou rire, à la troisième hoquetté. J'étais fichue (oui, encore).
C'est que Sans âme est un roman diablement bien troussé. Non seulement il se paie le luxe d'installer un univers ma foi intéressant où les créatures magiques ont droit de cité, en tout cas au sein de l'Empire britannique (il y a des vilains pas beau qui ont des projets machiavélique, et heureusement, sinon l'ennui poindrait le bout de son nez, encore que, avec Alexia dans les parages...), mais en plus les personnages, Alexia (et son ombrelle), et lord Maccon loup-garou et alpha de son état sont profondément réjouissants. La première a pour caractéristique de ne pas avoir d'âme ce qui lui permet d'annuler les pouvoirs des créatures qui la touchent, et, pire, d'avoir un père italien, et mort ce qui obère largement les chances de mariage que lui laissaient son caractère bien trempé. Quant au second, il est écossais, ce qui résume assez bien la situation. Chacune de leurs querelles fait naître un sourire que l'esprit aventureux et purement scientifique d'Alexia ne fait que renforcer. Il y a quelques scènes où son abnégation est d'ailleurs profondément admirable. S'ils étaient seuls, ce pourrait être un peu court, mais autour d'eux gravite une galerie de personnages secondaires hauts en couleurs, souvent cocasses qui servent à merveille une intrigue qui va à 100 à l'heure. Les dialogues sont piquants à souhait, les bagarres épiques, les méchants suffisamment méchants pour faire ce qu'on leur demande, on retrouve par-ci par-là des références à la littérature classique britannique... Bref, c'est un coup de coeur. Et puisqu'il paraît que la traduction est excellente, ce qu'à vue de nez je confirme puisqu'à aucun moment je n'ai grincé des dents, je vais aller le vérifier en relisant ce fabuleux premier tome in english dans le texte, et la suite pour faire bonne mesure. C'est pour la science, il faut que j'étudie de plus près les moeurs des loups-garous.
Pimpi, Karine:), Petite fleur, Fashion (tout ça c'est de ta faute, oui, encore), Chimère, Yueyin,...
Carriger, Gail, Sans âme, Orbit, 2011, 324 p., 5/5
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19.03.2011
Le show de la vie - Chi Li
"Dans la rue du Bon-Augure, au cœur de la grande ville de Wuhan, l'animation bat son plein toute la nuit : autour des gargotes installées en plein air se pressent petits vendeurs et artistes de rue. Célébrité y tient chaque soir son étal de cous de canard. Originaire de ce quartier populaire, elle ne l'a jamais renié, contrairement à sa sœur qui rêve d'une brillante carrière dans les médias. Fidèle à ses origines, mais dotée d'une intelligence qui lui a permis de sortir du lot, Célébrité est le pilier de la famille : elle porte à bout de bras son jeune frère drogué et se dépense sans compter pour assurer l'avenir de son unique neveu, négligé par une mère frivole."
Neuvième roman de Chi Li a être traduit en français et formidable succès en Chine, Le show de la vie ouvre une porte vers la Chine des petites gens, la vie et les soucis quotidiens dans un quartier populaire où les gens se connaissent, se guettent et vivent avec plus ou moins de facilité et d'agitation ensemble. Mais attention, pas de politique, pas de démonstration, ce n'est pas le propos. Ce qu'offre Chi Li avec ce roman, c'est avant tout le portrait d'une femme forte, débrouillarde et pragmatique, souvent drôle, en tout cas décidée. Célébrité trace son chemin à sa manière quoi qu'en pense son entourage, quitte à se transformer en mégère pas tout à fait apprivoisé, à ruser, voire à tromper. Pour elle, la fin justifie les moyens puisqu'il s'agit après tout de continuer à assurer la subsistance de sa famille même si ceux-ci ne sont guère conscients de ce qu'elle fait pour eux, et de mener sa propre barque professionnelle et amoureuse avec plus ou moins de bonheur face à des hommes qui ne sont guère mieux que des boulets. A travers ce personnage, c'est le portrait d'une Chine méconnue que dresse Chi Li: partagée entre traditions et conventions sociales toujours vivaces, communisme et ouverture au libéralisme. C'est un joli texte, dont le style est au départ un peu déstabilisant, à cause d'une certaine concision qui confine par moment à la froideur mais qui déborde de chaleur et d'amour, expose sans jamais juger ou sombrer dans le misérabilisme une réalité parfois, voire souvent difficile. On sourit, on rit, on s'attriste aux déconvenues de Célébrité dont on ne peut qu'admirer la capacité à affronter la vie et à sortir la tête haute de ses combats et ses échecs, on adore détester Premier le frère aîné et son horrible femme, l'envie prend de donner une bonne paire de claques à Jade, la petite soeur arrogante... Et on s'étonne parfois des réactions de leur soeur, marquée par des règles sociales éloignée de ce que l'Occident peut connaître.
Souvent drôle, débordant de petits aphorismes et de proverbes, Le show de la vie égrène une petite musique douce-amère qui permet de découvrir sous un autre jour la Chine. Indéniablement à découvrir.
Chi Li, Le show de la vie, Actes Sud, 2011, 171p., 4/5
Lu dans le cadre des
22:16 Publié dans Littératures asiatiques | Lien permanent | Commentaires (6) | Envoyer cette note
15.03.2011
La cuisine des flibustiers - Melani Le Bris
Comme le dit si bien Michel Le Bris dans sa passionnante introduction au non moins passionnant La cuisine des flibustiers, on s'imagine plus souvent ces féroces marins mâchonnant tristement une nourriture farçie de charançon ou ivres de tafia que faisant bombance. Or, c'est pourtant par eux que naît la cuisine caraïbe, celle, d'une infinie richesse des îles du Pacifique et de l'océan Indien.
Pour le prouver par A+B, Mélani Le Bris invite ses lecteurs à un voyage haut en couleur dans l'univers de la flibuste. Il y a bien sûr des recettes, certaines alléchantes, d'autres qui laissent plus dubitatif ou frustré de ne pouvoir se procurer des ingrédients devenus rares, voire de ne pas avoir d'endroit où se construire un boucan. Mais ce qui fait la grande force de ce recueil, c'est d'y mêler des extraits de récits de grands voyageurs, comme le père Labat, jamais en retard d'une expérience gustative, de raconter des anecdotes, de présenter quelques flibustier pour faire en même temps l'histoire de cette cuisine qui naît au confluent des us et coutumes culinaires des populations locales, des esclaves, des colons et du voyage parfois étonnant des ingrédients qui en font tout le sel. Le tout saupoudré d'un peu d'histoire de la flibuste et de la colonisation des îles. C'est captivant, souvent drôle, bourré d'informations qui donnent envie de se plonger dans les mémoires du père Labat et de partir à l'aventure avec Oexmelin, Dampier, Morgan, Thomas Gage et les autres. Autant dire qu'on en sort l'eau à la bouche et les ustensiles de cuisine qui démangent!
Bref, un fort sympathique recueil de recettes qui va garder une place de choix sur mon étagère de livres de cuisine et qui va me donner un prétexte pour aller explorer l'univers merveilleux des ignames, manioc, fruits à pain, épices et autres dons de la nature!
Ce que je ne me suis pas privée de faire en me jetant sur deux patates douces qui coulaient jusqu'alors des jours sereins pour réaliser les sweet potatoes pones de Catherine Sullivan, auteur du remarquable (il ne peut que l'être) The Jamaïca Cookery Book publié en 1893.
Que vous faut-il:
- une patate douce (celle à chair orangée est plus sucrée que sa consoeur à chair blanche), ou plusieurs petites, le but est d'obtenir environ 500g de purée;
- une cuillière à soupe de purée d'igname (dont je me suis passée n'ayant pas d'igname à portée de main);
- un oeuf;
- le lait d'une demi noix de coco (j'ai mis environ 25cl de lait de coco en boîte);
- une pincée de poivre noir de Jamaïque (poivre noir normal en attendant de rouvrir mes cartons);
- une pincé de muscade;
- une pincée de cannelle (qui n'est pas dans la recette originale, mais j'aime trop la cannelle pour m'en passer);
- un oeuf;
- deux cuillières à soupe de sucre roux.
Faire cuire la patate dans de l'eau bouillante, peler et réduire en purée.
Ajouter l'oeuf battu, le lait de coco, poivre, muscade et cannelle, purée d'igname. Faire fondre les deux cuillières à soupe de sucre dans une petite tasse d'eau, ajouter à la préparation.
Répartir dans des moules à muffin, faire cuire environ 40 minutes à 180°C. Vérifier la cuisson avec la pointe d'un couteau.
Résultat?
Les gâteaux ont un peu une texture de flan mais ont un arôme très sympa! A priori j'ai mis un peu trop de lait de coco et je réessairai en séparant jaune et blanc de l'oeuf, en montant le blanc en neige pour l'intégrer à la pâte. J'ajouterai peut-être aussi un tout petit peu de farine ou de fécule.
Sinon j'ai trouvé là, une autre recette que je vais essayer.
L'avis d'Amanda
14:00 Publié dans Essais, Gourmandises | Lien permanent | Commentaires (9) | Envoyer cette note
14.03.2011
La nonne et l'assasin - Frédérique Deghelt
Dans la vie de Lysandre il y a deux rencontres, un amour fou qui bouleverse tout et un cahier couvert d'une petite écriture ronde, celle de soeur Madeleine, une nonne dont la vie va entrer, de curieuse manière, en résonance avec la sienne.
Le nouveau roman de Frédérique Deghelt, je l'attendais avec impatience, et aussi la peur de la déception après la lecture lumineuse de La grand-mère de Jade. Or, une fois de plus, la magie de sa plume a fait effet. On plonge presque en apnée dans non pas un, mais deux amours fous, dont les récits alternent, s'enchevêtrent petit à petit intimement. On apprivoise Lysandre et cette passion pour Pierre qui détruit toutes ses convictions, tous ses repères. On entre comme elle, avec curiosité et attente dans l'histoire improbable de soeur Madeleine et d'Angel.On découvre Tomas, vieux monsieur plein de secret. Au gré des pages, on partage l'émerveillement de l'amour, la souffrance dont parle si bien Frédérique Deghelt avec sa plume sensible, délicate et sensuelle, qu'elle parle d'amour, d'un lieu, d'une caresse comme d'une ville ou d'un chemin parcouru au début d'une journée. La nonne et l'assassin est une superbe exploration du sentiment amoureux et de la manière dont il rend intensément vivant, à la fois sourd au monde et plus ouvert, souffrance qui détruit, révèle à soi, mais qui n'est jamais malédiction, ni blasphème comme le laisse entendre la tragique histoire de Padilla racontée par Victor Hugo cité en exergue:
"Il était laid ; des traits austères,
La main plus rude que le gant ;
Mais l'amour a bien des mystères,
Et la nonne aima le brigand."
Hasards de la vie sans doute, ce texte est entré en résonance avec celui de Christiane Singer, Une passion: entre ciel et chair, entendu alors que je venais tout juste de commencer ma lecture au théâtre Lucernaire.
Je n'ai pas envie d'en dire plus. C'est un texte à ressentir, à savourer, et à conserver précieusement avec toutes ses pages cornées.
Là où les livres sont chez eux, Irrégulière,...
Deghelt, Frédérique, La nonne et le brigand, Actes Sud, 2011, 409 p., 5/5
11:35 Publié dans Littératures françaises | Lien permanent | Commentaires (19) | Envoyer cette note